Pour un peu, on ajouterait que c'est un jeu d'enfant.
Un regard sur le "modèle" allemand.
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Après le drame que l'on connaît - et qui a fait suffisamment de victimes pour que par malhonnêteté intellectuelle pure on ne rajoute pas celles provoquées par le tsnunami lui même - à en lire certains on pourrait croire que c'est la centrale qui l'a provoqué -, les nucléophobes pavloviens se sont rués sur l'exemple japonais pour démontrer par "l'exemple" que la sortie du nucléaire serait un jeu d'enfant: la preuve, les Japonais s'en passeraient sans difficulté puisqu'ils en ont fermé 53 réacteurs sur 54 à la suite:
- du traumatisme très compréhensible qu'ils ont ressenti;
- de la découverte (avec horreur) du fait que leur système de production électrique aux mains de compagnies privées s'était développé hors de tout contrôle d'une autorité indépendante et que les considérations de profit à court terme avaient primé sur les impératifs de sécurité.
Une raffinerie japonaise surexploitée explose.
Dans quelles circonstances cette "sortie brutale du nucléaire" s'est-elle opérée au Japon?
Tout d'abord, en période de récession économique. L'économie japonaise tourne au ralenti et l'appareil de production "tire" moins sur les ressources énergétiques. En outre si la part du nucléaire dans la production d'électricité est supérieure au Japon à ce qu'elle est en Allemagne, elle est inférieure à ce qu'elle est en France (75%). Sinon, cette baisse de l'offre en électricité aurait cassé la croissance.
Ensuite, l'image d'Epinal sur "les économies d'énergie substantielles qui auraient pallié le déficit de production" n'est qu'une vue de l'esprit. Certes, dans les bureaux on coupe les climatiseurs et ouvert les fenêtres ou a contrario on réduit substantiellement le chauffage (en permettant aux employés de tomber la veste et la cravate ou de porter des pulls) mais cela n'a joué qu'aux marges. Ca se saurait, si ces mesures sans nul doute positives quand elles n'entraînent pas un mal être excessif suffisaient à régler le problème...
En réalité, le Japon a substitué une autre énergie en augmentant de façon colossale ses importations de pétrole (un million de barils par jour en supplément dès cet été en raison du quadruplement de la consommation des centrales thermiques - source Reuters).
C'est à dire que l'accroissement de la demande japonaise causé par la fermeture temporaire des réacteurs, qui survient pourtant à un moment où les économies des pays riches stagnent est la cause de l'explosion du prix du baril (nous ne sommes pas - et de loin - dans une phase de pic de demande mondiale: cette stagnation équilibre la croissance des pays émergents elle même en décélération).
Un article du New York Times (lien) met également en évidence la mutation colossale du MIX énergétique japonais.
C'est au moins autant à cause de l'accroissement de la demande japonaise que de la crise iranienne dont on nous rebat les oreilles (car l'Iran vend quasiment autant qu'avant: simplement, il a changé de clients) que le prix du pétrole et de ses dérivés explose ces dernières semaines.
Démonstration est faite par l'exemple qu'on ne peut pas (encore) sortir à la fois du nucléaire et du pétrole.
Conséquence... alors que le Japon s'était lancé à l'instar de la France dans son programme nucléaire à la suite du choc pétrolier de 1973 et pour ne pas dépendre d'une seule source d'énergie importée à 100%, il redevient totalement vulnérable aux aléas d'une situation géopolitique tourmentée à un moment, en outre, où le pic pétrolier est sans doute atteint (la hausse vertigineuse des prix en 1973 résultait d'une décision politique de l'OPEP: pas d'une pénurie annoncée)
Faisons le parallèle avec la situation de l'Allemagne qui a elle aussi décidé de sortir du nucléaire (plus facile pour elle que pour la France puisque la part de l'atome dans la production de l'électricité n'est que de 22% contre 44% pour la pire des saloperies: le charbon et le lignite et 13% (en hausse exponentielle) pour le gaz ces deux dernières énergies balançant des centaines de millions de tonnes de CO2 dans l'atmosphère... et les Verts allemands, après leurs dénégations initiales, reconnaissent enfin la nécessité de recourir davantage au gaz pour pallier les intermittences et les insuffisances des énergies dites renouvelables.
Malgré un incontestable volontarisme dans le domaine de ces dernières (quoique le gouvernement a mis le hola devant l'explosion des prix d'achat, comme en France), on maintiendra les centrales au charbon qui bénéficieront même d'une ligne de crédit supplémentaire certes relativement modeste, mais qui a valeur de symbole: 160 millions d'euros.
Didier Laurens, analyste spécialiste des questions énergétiques : "Il semble que l'Allemagne va remplacer son énergie nucléaire par du charbon, du gaz, et une hausse de ses importations, plutôt que par un développement des renouvelables". Hans-Werner Sinn, président de l'institut Ifo de recherche économique de Munich "Les objectifs climatiques annoncés par Angela Merkel (...) ne seront pas atteints".
La seule grande puissance industrielle à avoir renoncé au nucléaire par une décision politique prise à froid n'a pas les moyens de sortir en même temps des énergies carbonées, alors que c'était sa volonté expresse (saluons notamment les efforts de Recherche et développement entrepris par les Allemands en matière de captage et stockage du CO2 à la source). A méditer.
Conséquence: la demande en gaz allant croissant, le prix de ce dernier explosera... pour le plus grand bonheur de la Russie de Poutine qui trouvera ainsi des devises et surtout un moyen de chantage politique conséquent. C'est ce qui rendra (hélas!) intenable la position des opposants à l'exploitation des gaz de schiste... pourtant la pire des saloperies sur le plan écologique: déjà, la Pologne annonce son intention de les extraire massivement de son sous-sol.
Et c'est pourquoi, Madame, votre fille est malade... les écologistes bien pensants qui se font plaisir chez eux - là où les moyens de contrôle et la surveillance de l'opinion limitent les dégâts - favorisent par ricochet le développement des saloperies absolues dans des pays moins regardants.
benjamin borghesio
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