Qui, pris vivant, aurait sans doute mérité la peine maximale, que la société aurait eu le devoir d'appliquer.
Là n'est pas la question.
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C'était un homme, infiniment coupable selon les informations qui nous ont été distillées (on ne connaîtra jamais les tenants et les aboutissements, l'enchaînement fatal qui le mena à ce degré de violence que je me refuse à qualifier de folie meurtrière puisqu'aucune expertise psychiatrique n'aura eu lieu)
Il était humain, tragiquement humain. Pas question pour cela de s'apitoyer sur son sort. Pas question, comme cette enseignante à côté de ses pompes, de décréter une minute de silence en son honneur. Mais le qualifier de "bête", de "monstre" ou autres qualificatifs inflationnistes évite de poser des questions qui doivent trouver réponse, et les atermoiements qui ont empêché deux gouvernements de lui donner rapidement une sépulture décente sont inacceptables: même les condamnés à mort avaient leur carré.
Qu'est ce qui pousse un jeune paumé comme il en existe des milliers, dans toutes les cultures et dans chaque coin du globe, à devenir un "ennemi public numéro un" capable au nom d'une posture idéologique qui relève davantage de la bouillie pour mal comprenant que d'une quelconque logique de semer la terreur et de tuer sept personnes, plus s'il n'avait pas été interrompu ? En faire "un monstre", c'est décréter par postulat que rien n'est possible pour limiter ces récidives. "Circulez, il n'y a rien à voir, le monde suscitera toujours des monstres, des bêtes humaines, attendons la prochaine et laissons faire!"
Notre société, infiniment policée pour ne pas dire fliquée, peut laisser échapper d'une surveillance suffisamment oppressante à d'autres égards un type recensé djihadiste, repéré au Pakistan, signalé par les "autorités" locales tout comme par Israël dont il fut exfiltré vers les Territoires, qui vivait sur un grand pied sans ressources officielles (c'est là qu'on voit qu'une police de proximité aurait eu un rôle à jouer, n'en déplaise à Sarkozy; surtout que djihadiste prosélyte à ses moments - à d'autres il draguait en boîte comme un bogosse "normal" -, il avait menacé de mort dans une tenue et avec des termes incohérents une famille dont il tentait sans succès d'embrigader les ados sans que cela ait ému police et justice). A côté de ça, il suffit de 48 heures pour connaître l'origine de ragots sans conséquence dès lors qu'ils touchent un politique de haut vol (affaire des fadettes).
Ne faut-il pas réévaluer les missions de la DCRI, hiérarchiser ses priorités, analyser les causes de ses échecs et les raisons de ses succès quand il y en a? Cette question n'est pas obscène: c'est Juppé qui l'a posée le premier et ce n'est pas un droit-de-l'hommiste pathologique irresponsable, ni même un "gauchiste".
Un vol avec violence, surtout quand il fait suite à de nombreuses peines données avec sursis, justifie une incarcération: il n'y a pas à tergiverser. Mais est-il normal qu'entré délinquant minable dans une prison dont le rôle est de sanctionner et d'éviter la récidive, on ressorte aveuglé par une haine incoercible? C'est quand même une question que la société doit se poser, de savoir quel contenu on doit donner à l'emprisonnement!
Comment peut-on être en conditionnelle - c'est à dire en principe sous la tutelle d'agents de probation - et vivre du RSA en roulant dans de grosses voitures, en achetant des armes, en menant grand train, en ne dissimulant même pas ses délires pseudo-militants? Où est la grande politique pénitientiaire pour prévenir les récidives dont on nous rebat sans cesse les oreilles?
Est-il normal que dès lors que Merah - qui en l'espèce a agi comme un branquignol en répondant sur l'Internet à sa première victime depuis l'ordinateur de sa mère en laissant une IP alors que la famille était sous surveillance -, il ait fallu six jours pour remonter jusqu'à lui? Si nous avions eu affaire à un terroriste aguerri et bien formé et non pas à ce paumé inculte (ce seul fait suffit à le démontrer), il est probable que le nombre de ses victimes aurait été infiniment plus élevé.
Pour ma part, je ne peux m'empêcher de penser que le "traitement" de l'assassinat de militaires "issus de l'immigration" fut très loin d'atteindre ce qui a été déployé dès lors que des enfants - juifs de surcroît - furent touchés et cela m'interpelle: ces hommes qui ont servi en Afghanistan et qui ont été assassinés parce que considérés comme "traitres à l'Islam" par Merah auraient pu être Morts pour la France... Il n'empêche: la première piste envisagée fut celle du règlement de comptes.
L'heure est à la diabolisation. Celle d'évoquer "le monstre". Dans ce climat, les incidents se multiplient qui touchent des homonymes (Merah est un patronyme répandu et beaucoup s'appellent Mohamed, prénom aussi très choisi), des proches sont harcelés et - comble de l'ignominie comme de la crétinerie -, à l'opposé, des "supporters" de Merah taguent les murs de Toulouse. Si le rabbin Bernheim eut un comportement exemplaire en haussant le ton dès le début pour qu'aucun amalgame ne soit fait et pour que la communauté musulmane ne subisse pas les conséquences des actes de Merah, l'ineffable Prasquier du CRIF a repris la bonne vieille antienne: "critiquez l'occupation des Territoires par Israël, le blocus de Gaza, l'extrême brutalité de 'Plomb Durci' et vous encouragez les pulsions antisémites meurtrières!" On voudrait que cela se reproduise qu'on ne s'y prendrait pas autrement...
Pendant que les deux principaux candidats appelaient à la retenue, leurs porte-flingues respectifs se distinguaient par des échanges ignominieux, le Sieur Urvoas ne le cédant en rien à Copé qui a touché l'infâme. en compagnie de Rosso-Debord qui nous fait regretter Morano. Tout donne à penser que cette affaire contribuera à empoisonner un climat qui n'en avait certes pas besoin.
Bis repetita, il n'est pas question d'excuser l'inexcusable mais de chercher à comprendre. Quelle est la part de responsabilité de cette recherche perpétuelle du "clivage", de la désignation du "bouc émissaire" dans cette haine grandissante? C'est la parabole de l'oeuf et de la poule... on ne sait qui a commencé. Mais ce qui est sûr, c'est qu'on n'en sortira que par le haut... ce qui ne signifie nullement faire preuve de naïveté vis à vis d'agissements terroristes ou incitant au terrorisme.
Pour le rôle du RAID, son échec relatif, les interventions intempestives du pouvoir politique dans la conduite des opérations, on se reportera avec profit à ce qu'en pense un grand flic républicain : Moreas (lien). On ne fera pas grief à Guéant d'avoir communiqué pendant les opérations: cela relève de la gestion de crise et est conforme à la procédure française. On aimerait être sûrs qu'il a laissé la maîtrise de celles-ci aux spécialistes, dès lors que l'ordre était donné. L'aspect opérationnel, dans le respect des normes tactiques, ne doit jamais leur être retiré pour que les choses se déroulent normalement: il est temps d'évaluer a posteriori quand tout est fini.
Sur les éventuelles (et très improbables) suites judiciaires, lisons le pont de vue de Maître Eolas (et surtout sa conclusion)
benjamin borghesio
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