Le sujet a produit récemment - et à juste titre - un effet désastreux.
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Faut-il que les intéressé(e)s - dans les deux sens du terme - soient stupides et coupés des réalités pour ne pas prendre conscience de l'effet désastreux sur l'opinion de leur corporatisme quand on demande toujours plus d'effort aux Français et quand, chaque jour, on signale le comportement incivique des fraudeurs et évadés fiscaux!
Les faits, assez bien résumés par lemonde.fr
Première question, qui fait l'objet de beaucoup de fantasmes et de contre-vérités : le "salaire" des députés. Il est composé de trois éléments : d'une part l'indemnité parlementaire dite "de base", calculée en fonction des grilles des hauts fonctionnaires – elle est est de 5 514,68 euros. S'y ajoutent une indemnité de résidence destinée à leur permettre de venir à Paris, d'un montant de 3 % de l'indemnité de base, soit 165,44 euros. Enfin, un député touche une indemnité "de fonction", égale à 25 % de l'indemnité de base plus une indemnité de résidence : 1 420,03 euros.
Chaque mois, un député touche donc 7 100,15 euros brut. Sur lesquels il paye des charges. Tout d'abord, durant ses quinze premières années de mandat, une cotisation mensuelle relativement élevée à la caisse des pensions, qui gère les retraites des parlementaires : 1 280,5 € (qui leur donne droit à un régime spécial de retraite plutôt avantageux). Ils paient ensuite contribution sociale généralisée (CSG) et contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), qui sont prélevés sur quasiment tous les revenus en France, et leur coûtent 568,01 € par mois. Ils versent enfin 27,57 € à un "fonds de garantie des ressources", une caisse destinée à verser une allocation d'aide au retour à l'emploi aux anciens députés qui cherchent du travail.
Net par mois, un député gagne donc 5 189,27 € (l'indemnité d'un sénateur se situe dans les mêmes ordres de grandeur). Un salaire confortable, qui n'atteint pas le niveau des 1 % de Français les mieux payés (7 300 euros net par mois, selon l'observatoire des inégalités), mais se situe au-delà des 5 % (4 000 euros par mois net), soit l'équivalent de ce que gagne un cadre supérieur. Et qui, contrairement à une légende tenace sur Internet, n'est pas net d'impôts. Les députés s'acquittent, comme tout un chacun, de l'impôt sur le revenu, mais sur ces 5 189, 27 € mensuels, pas sur la totalité des sommes dont ils bénéficient.
Les députés ont en effet d'autres sommes à disposition, via deux lignes de crédit spécifiques :
- Le "crédit affecté à la rémunération de collaborateurs", qui leur permet de rémunérer des employés. Il se monte à 9 138 euros brut par mois, à charge ensuite pour le député de les répartir et de gérer embauches ou licenciements (voir ci-dessous). Ils peuvent en outre reverser une partie de ce crédit dans leur indemnité représentative de frais de mandat.
- L'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), de 6 412 euros brut, est destinée à permettre aux parlementaires de "faire face aux diverses dépenses liées à l'exercice de leur mandat qui ne sont pas directement prises en charge ou remboursées par l'Assemblée". C'est une indemnité assimilable à une allocation pour frais d'emplois. Elle est soumise à la CSG et à la CRDS, mais échappe à l'impôt et à tout contrôle fiscal.
Son usage est souple, sachant qu'un député bénéficie déjà de la prise en charge intégrale de ses déplacements. Elle sert à régler le loyer d'une permanence parlementaire, les frais d'habillement, de dépenses courantes... Mais pas seulement. L'IRFM peut servir à revaloriser ses assistants parlementaires au-delà de l'enveloppe prévue pour cela.
En fait, elle peut servir à beaucoup de choses, pour une raison simple : il n'y a que très peu de contrôle sur son utilisation. En principe, elle correspond à des frais. En pratique, c'est plus flou, comme Mediapart l'avait montré en prenant l'exemple du député PS d'Ardèche Pascal Terrasse, qui avait utilisé l'IRFM pour régler un voyage en famille. Et, si l'on en croit les déclarations de M. de Courson, certains députés utilisent en partie l'IRFM comme un complément de revenu.
Le député de Courson, en commission des finances, a proposé que l'IRFM soit soumise à contrôle de son utilisation aux fins prescrites, et que la partie qui n'a pas été dépensée à ces fins - qu'il faudrait déterminer de façon précise - soit fiscalisée, ce qui a suscité une levée de boucliers, le plus virulent étant le néo député Guaino, Grande Figure Républicaine Devant l'Eternel, mais qui a un rapport un peu particulier avec l'argent. Déjà, quand il était conseiller à l'Elysée, toute allusion à sa rémunération le mettait en transe. Notons que les opposants étaient aussi majoritaires dans les rangs de la gauche. Plus fine mouche, Borloo a su se démarquer, parlant "d'énorme erreur"
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Ce refus de transparence, de contrôle, est incompréhensible même s'il est légitime qu'il soit effectué selon des règles spécifiques dont curieusement personne à ma connaissance n'a parlé tant il est intégré que les députés sont devenus des godillots au service du pouvoir, ou des aspirants au pouvoir.
Si le contrôle des dépenses était confié au fisc, lui même à la botte de l'exécutif, ce dernier aurait un moyen efficace de contrôler l'action du législatif (imaginons un député qui engage des frais conséquents à des fins d'enquête... on peut rêver).
Si le contrôle était effectué par une instance parlementaire elle même (exemple: la questure) elle ne serait pas fiable, les loups n'étant pas supposés s'entredévorer.
La solution serait sans doute de soumettre les notes de frais à des magistrats de la Cour des Comptes, indépendants et astreints au devoir de réserve. Et quid de ce qui resterait, qui n'aurait pas été dépensé? Pourquoi seulement fiscaliser cette somme (rappelons que la tranche maximale de l'IRPP, c'est 41%: il en resterait 59% au profit du député, comme supplément de revenus). C'est bel et bien de restitution intégrale qu'il s'agit!
Je ne suis pas de ceux qui pratiquent l'antiparlementarisme, le poujadisme, antichambres de l'antirépublicanisme. Un député consciencieux - et la très grande majorité le sont - mérite un salaire convenable et soyons pragmatiques: être confortablement rémunéré rend normalement plus indépendant des lobbys. Mais le citoyen a le droit de savoir combien perçoit son député: c'est lui qui le paye.
Autre question qu'il faut soulever: le statut et le mode de recrutement des assistants parlementaires. Est-il normal que d'aucuns recrutent leur conjointe qui n'occupe parfois qu'un emploi fictif et font faire le travail par des grouillots payés une misère, voire par des employés municipaux dont ce n'est pas la fonction? Ou a contrario que leur attaché parlementaire soit en réalité au service de leur parti quand ce dernier est déjà financé sur les fonds publics et par les cotisations de ses adhérents?
Maintenant, pour qu'on ne sombre pas dans la Tartufferie: que les députés, qui se prononcent à l'instar de Borloo en faveur du contrôle et du remboursement de la part d'indemnité non utilisée réellement donnent l'exemple: rien ne les empêche de faire un chèque annuel à la questure de leur Assemblée, et nul doute qu'ils mettraient ainsi leurs collègues récalcitrants dans une situation impossible.
La réforme suivra naturellement.
benjamin borghésio
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