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C'est fort inopportunément que Hollande, récemment, a replongé le pays dans un accès de repentance masochiste, en rouvrant un débat qu'on avait pu croire clos après que F. Mitterrand ait confirmé la vision gaullienne : la France légitime était dans la Résistance, même si "l'Etat français" collaborait de la manière la plus ignominieuse.
Pour étayer notre démonstration, nous nous appuierons sur une analyse historique des faits sans nier pour autant leur matérialité – à savoir que la plus grande partie des administrations et des fonctionnaires obéissaient à Pétain, Laval, Darlan puis Laval de nouveau (et le bref épisode Flandin, guère significatif)
En juin 1940, survint la débâcle dont les soldats ne furent aucunement responsables (une armée qui compte de 70.000 à 90.000 tués en six semaines s'est bien battue surtout si on ajoute qu'elle détruisit 1.450 chars moyens et lourds et abattit plus de 1.000 avions): cette catastrophe résulte d'une faillite du haut commandement militaire. De plus, la coalition gouvernementale dirigée par Reynaud appuyée par une courte majorité fut privée du soutien de Daladier... minsitre de la guerre!
En résumé: les partisans de Reynaud (dont Ch. de Gaulle, nommé depuis peu sous-secrétaire d'état à la défense nationale) en tenaient pour le refus d'une paix séparée (interdite d'ailleurs par un traité signé par les Britanniques) quand ceux de Daladier manifestaient davantage de défaitisme, refusant d'envisager la poursuite du combat depuis l'Afrique du nord voulue par nombre de politiques - à compter par la centaine de parlementaires embarqués sur le Massilia pour ne pas tomber aux mains des Nazis et soucieux de continuer la guerre.
Ajoutons ce débat anachronique entre un Weygand plus soucieux de politique que de mener la guerre et le pouvoir politique, le premier refusant la "capitulation" dans le but de "sauver l'honneur de l'armée" (plus exactement de son commandement inepte, incapable de prévoir les évolutions de la science militaire) et un gouvernement dont une majorité était peu désireuse de signer un armistice qui liait le pouvoir politique (Reynaud connaissait son histoire récente: l'armistice du 11 novembre avait permis aux généraux allemandes de se déclarés contre toute évidence non vaincus, mais "trahis par l'arrière")
La manière dont la IIIème République avait laissé dériver ses institutions après que Clemenceau eut tenté sans succès d'en faire un régime viable est en grande partie responsable de cet improbable attelage dans un cabinet d'union dirigé par un "belliciste" (Reynaud) dont le principal partenaire était un "pacifiste" (Daladier) : à tort ou à raison, le premier s'est senti sans majorité pour continuer sa tâche et des forces extérieures se manifestèrent alors dans un Bordeaux déliquescent et devenu refuge du pouvoir, pour que le cabinet démissionne et pour que Pétain, alors icône nationale, soit appeler à constituer un gouvernement – ce qu'il fit en un temps record (sa liste était déjà établie avec la complicité de Laval, preuve de la préméditation).
Jusque là, les formes furent respectées. C'est ensuite que la légitimité de Pétain se pose...
- D'abord avec la signature de l'armistice (violation du traité franco-britannique qui aurait dû être ratifiée par l'Assemblée).
- Ensuite avec le coup du 10 juillet 1940, lorsque les deux Assemblées réunies en ce qu'on nommerait de nos jours un "Congrès" donnèrent ce qu'on appelle à tort les "pleins pouvoirs" au Maréchal.
Attardons-nous sur les conditions de délibération des parlementaires. La majorité des leaders républicains étaient "empêchés" puisque bloqués sur le Massilia (passons sur ceux qui furent arrêtés pour désertion, un – comble ! – pour avoir voulu continuer le combat soit en Afrique du nord (via le Massilia) soit en Angleterre.
En outre, Vichy était envahie de nervis à la solde de l'extrême droite, qui faisaient régner une atmosphère très coercitive, à la limite de la terreur. A quelques kilomètres de là, des troupes de Weygand (obsédé par le "maintien de l'ordre") faisaient courir la menace d'un putsch. Enfin, une division nazie était prête à fondre sur la capitale provisoire en cas de besoin.
Les quelques dizaines de parlementaires qui, dans ces conditions, ont eu le courage de voter contre Pétain n'en sont que plus méritant d'autant plus que Laval fit un véritable putsch devant l'assemblée.
Mais que Pétain avait-il obtenu ?
- Les pleins pouvoirs pour rétablir l'ordre (douze millions de réfugiés devaient rentrer chez eux ou être relogés, et on ne compte pas les victimes de destructions)
- La conduite d'une diplomatie visant à ce que l'armistice récemment signé et dont les conditions étaient très dures (déshonorantes pour certaines, comme la restitution aux Nazis des réfugiés que la France avait pris sous sa protection avant guerre) soit respecté dans le sens le plus favorable possible à la France (et à Montoire, peu de temps après, on scellait le principe de la "collaboration")
- L'interdiction de déclarer la guerre sans l'accord des assemblées qu'il fallait réunir pour cela, même si elles étaient "mises en congé" (mais pas leurs bureaux)
- L'élaboration d'une nouvelle constitution, sous forme de projet, soumis à ratification ultérieure par les deux assemblées puis par le peuple.
Pétain était donc un président du conseil aux pouvoirs très étendus, ce qui peut se concevoir en circonstances exceptionnelles. Mais pas doté d'un blanc seing. .
Très vite...
- Il a déposé le Président Lebrun, ce dont il n'avait pas le pouvoir, pour se proclamer chef de l'État.
- Il a promulgué des "actes constitutionnels" soumis à aucune ratification.
- Il n'a pas consulté les bureaux des Assemblées.
- Il a promulgué des lois raciales incompatibles avec les traditions françaises ce qui, en plus d'être immonde, était juridiquement infondées puisqu'elles allaient à l'encontre des principes régissant la constitution pas encore invalidée.
- Il a fait arrêter et déporter des dizaines d'adversaires politiques (ou soupçonnés de le devenir) dont beaucoup furent assassinés par la suite (on citera J. Zay et G. Mandel)
- Il a obtempéré servilement à toutes les violations de l'armistice imposées par les Nazis à la commission de Wiesbaden – à commencer par l'annexion de l'Alsace dont il ne fut jamais question.
De ce qui précède on déduit que le régime pétainiste, quelle que soit sa popularité du moment (compréhensible de par le terrible traumatisme subi par le pays et le déferlement de propagande auquel il était soumis) s'est mis ans l'illégitimité dès la fin de juillet 1940.
En aucun cas la France, en tant que pays, ne saurait être tenue pour comptable des actes de son État du moment, illégitime. La France était dans sa résistance intérieure et extérieure comme la Norvège était incarnée par son souverain et non par Quisling, comme Wilhelmine incarnait les Pays-bas quand le Roi des Belges commit deux forfaitures. Des circonstances particulières et de nombreuses défaillances indiviuelles ont fait que le seul homme politique français, (à l'époque nommé à un poste très subalterne de sous-secrétaire d'état) qui refusa la logique de l'asservissement et de la collaboration fut de Gaulle: c'est lui qui incarna la France comme l'aurait incarnée à sa place Reynaud, Mendès, Blum, Mandel) s'ils avaient été en position de le faire ou s'ils n'avaient tergiversé (comme Reynaud)
Pétain et ses séides : Laval, Flandin, Darlan, ont collaboré. Chefs d'un état sous leur coupe, ils ont lancé cet état dans une voie attentatoire à l'honneur et qui, sans l'héroïsme de la Résistance et la ténacité de la France libre (pour que le pays réel soit reconnu à la Libération) notre pays aurait été traité comme le furent l'Allemagne et l'Italie. Ils ont conduit leur état illégitime sur la voie de la honte et du déshonneur, mais pas leur pays.
En matière de trahison, les premiers responsables sont les chefs. Même la tragédie de Mers el Kébir a trouvé sa justification à la fin de 1942, quand le régime de Laval a tout fait pour que la flotte de Toulon tombe aux mains des Nazis (heureusement, les marins ont sauvé l'honneur en sabordant leurs navires)
Je terminerai par un argument plus "sentimental". Dans ma famille, on a combattu au sein de la 1ère DFL et dans la 2ème DB. Si la France légitime, selon Chirac et Hollande, à savoir l'État pétainiste (ou son allié de circonstance, le régime nazi) avaient tué ces soldats, ils ne seraient pas "morts pour la France"?
Les "Morts pour la France" seraient donc du côté des Miliciens, des Français engagés dans la Waffen SS, au sein es GMR qui ont exterminé des maquis ici ou là ?
benjamin borghésio
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