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Cette note dont la rédaction avait été anticipée est de nouveau programmée après avoir été complétée.
Après deux mandats de quatre ans, Lula a quitté le pouvoir avec un taux de popularité de 80%, largement mérité (malgré l'opposition de la très grande majorité des médias).
Durant ces années, grâce à la "bolsa familia" et malgré ses imperfections, plusieurs dizaines de millions de Brésiliens sortirent de la misère pour entrer dans une pauvreté digne, d'autres accédèrent au statut de "classe moyenne" (ce qui se traduit concrètement: en cinq ans, le trafic intérieur aérien a augmenté de 50%, une partie des Brésiliens étant dispensés des trajets en bus de 20 ou 30h pour aller voir des proches grâce à l'augmentation de leur pouvoir d'achat). Le taux de scolarisation des moins de 16 ans atteint 98% (l'objectivité commande de dire que si le quantitatif est résolu, il faut désormais agir sur le qualitatif: le système d'enseignement public brésilien est un des pires, parmi ceux qui sont disséqués par l'OCDE)
Sur le plan économique, le Réal (qui avait perdu 75% de sa valeur sous la présidence précédente de Cardoso, le "socio-démocrate compétent qui savait de quoi il parlait"... une sorte de Rocard local) s'est stabilisé et même réévalué (la baisse actuelle, limitée, est sous contrôle et destinée à redonner au Brésil une compétitivité internationale grignotée par la nette réévaluation précédente). La dette extérieure a été jugulée, les flux financiers mieux maîtrisés.
Un ex métallo a fait mieux qu'un économiste distingué, loué par ses pairs, encensé par le FMI.
Lula ne pouvait constitution- nellement pas se représenter après deux mandats consécutifs, mais les succès du PT ont permis l'élection sans grande difficulté de Dilma Roussef qui continue l'oeuvre entreprise, avec quelques difficultés: le système politique brésilien est tel qu'il est impossible de gouverner sans réunir une coalition hétéroclite. L'appui du PMDB (parti dinosaure survivant de l'époque de la dictature militaire pendant laquelle il était toléré) est ainsi indispensable, de même que d'autres groupes charnières qui fournissent les voix manquantes au Congrès.
Un certain nombre de ces partis - dont le PMDB - ne fonctionnent que par le népotisme... une bonne partie de la poulation n'ayant pas encore la culture politique suffisante pour s'en dépêtrer: sévissent toujours les achats de voix et les récompenses sous formes d'emplois publics quasiment fictifs.
Dans ce contexte et pour faire passer ses lois, le PT de Lula s'est vu contraint (ou il a cédé à la facilité...) d'acheter des votes de parlementaires, qui recevaient une mensualité quotidienne en échange de leur "compréhension": le scandale à éclaté, sous le nom de escandalo dos mensaloes (mensalão : forte mensualité). La justice brésilienne permet - c'est dire! - encore plus que la justice française de multiplier les manoeuvres dilatoires et ce n'est que maintenant que les corrompus actifs et passifs sont jugés grâce à l'action opiniâtre d'un procureur fédéral (qui a déclaré récemment qu'à la limite, peu importait que les peines effectives soient lourdes: la victoire résidait dans la tenue même du procès, et elle serait complète en cas de condamnation). Notons que rien ne permet d'incriminer formellement Lula (son "premier ministre", J. Dirceu, a tout pris sur ses épaules), mais il faut être, je pense, naïf pour imaginer qu'à défaut d'être le metteur en scène, le président était dans l'ignorance des faits.
Parlement Brésilien. Une coupole ouverte sur la Chambre, pour recevoir les dons du ciel ; une coupole fermée sur le Sénat, pour les conserver (plaisanterie qui a cours à Brasilia)
Dilma a donné l'impression de vouloir gouverner avec le même souci de redistribution sociale, en faisant preuve de davantage de rigueur. A peine installée, elle a coupé quelques branches pourries et dès que des soupçons s'accumulaient sur un membre de l'exécutif, elle s'en séparait. Apparemment, ça ne plait pas à tout le monde.
C'est dans ce contexte que Lula - qui se remet d'un cancer du larynx et qui dirige de facto le PT où il est vénéré par les militants - renoue avec les vieilles traditions en prônant une alliance avec ce que la classe politique compte de plus corrompu, dans le but de conquérir São Paulo lors des élections municipales à venir. On a dit chez nous, il y a longtemps, qu'il valait mieux perdre une élection que son âme... Il semble que le PT de Lula se prépare à perdre l'une et l'autre et dans ce contexte, Dilma est clairement désavouée par son prédécesseur.
Deuxième banderille, qui s'apparente à un coup bas. Dilma souffrit également d'un cancer, apparemment guéri. Et voilà Lula qui annonce que si elle était indisponible pour cause de maladie à la fin de son mandat, il pourrait se représenter pour que le PT conserve le pouvoir. On dira que le procédé manque singulièrement d'élégance, et qu'en créant le désir de Lula, il affaiblit notablement la présidente en exercice, pourtant une "camarade".
Espérons de tout coeur que le Brésil ne tombera pas dans une logique venezuelienne, le populisme prenant le pas sur la démocratie en construction. On n'en est pas là, mais il est temps de sonner le tocsin.
benjamin borghésio
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