Uniquement provoquée par le désordre inhérent au capitalisme et ses dérives.
Contrairement à un truisme communément répandu, la Terre peut
largement nourrir sa population (on estime qu'avec les connaissances
actuelles, nous serions en mesure de nourrir 14 miliards d'êtres humains en appliquant des réformes de simple bon sens - source: FAO)
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Et pourtant, les analystes s'accordent pour dire que nous sommes proches d'une énième crise alimentaire.
La première cause: les dérèglements de la météo liés au réchauffement climatique (abus de rejets carbonés) qui a provoqué des sécheresses sur le majeure partie des terres dévolues aux grandes cultures, ou a contrario un mauvais temps persistant générateur d'inondations.
Nous sommes désormais sur une planète en phase accélérée de réchauffement qui doit impérativement réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le moment de la "planification écologique" est arrivé. Encore ne faut-il pas tirer en même temps sur le nucléaire qui, lui, ne génère pas de CO2!
Une sécheresse sévère
sévit au États-Unis, en Russie, en Ukraine et au Kazakhstan et pousse
les spéculateurs à considérer que les prix resteront élevés plus
longtemps qu'en 2007-2008, quand des
émeutes de la faim frappèrent près de 40 pays.
La seconde cause: le détournement scandaleux de cultures alimentaires vers les agro-carburants: 40% du maïs américain fera rouler des automobiles.
La troisième cause: des mouvements purement spéculatifs qui font grimper le prix des denrées de base.
La spéculation est engagée (blé, maïs, soja) depuis plusieurs semaines. Par contagion, les produits de substitution secondaires sont touchés (orge, oléagineux dont le colza et le tournesol). Depuis juin, le blé a augmenté de près de 40 % et celui du maïs de plus de 60 % à la Bourse de Chicago, les autres places répercutant la tendance. Chaque jour, chaque minute même, s’échangent virtuellement des milliers de tonnes de grains qui ne bougent pas de leurs silos - et cette spéculation non limitée par une taxe sur les transactions fictives porte aussi sur les trois récoltes à venir (2015 inclus!), partiellement prévendues sur le marché à terme très au-dessus de 200 euros la tonne.
Depuis mai, le prix
du blé a augmenté
de près de 40 %,
celui du maïs de plus de 60 % et le soja suit la tendance. Ces hausses
spéculatives se traduiront par une flambée des prix alimentaires. Les éleveurs français, devenus dépendants de céréales et de légumineuses, sont les
premiers à payer
la facture avant le consommateur, quand le prix des oeufs et de la viande augmentera.
Pour le blé, la production mondiale sera cette année d'environ 660 millions de tonnes, plus un report de fin de campagne de 180 millions de tonnes qui devrait logiquement écarter la pénurie mondiale, mais les stocks sont toujours inégalement répartis. Les pays structurellement déficitaires ont peu acheté récemment, très souvent faute de moyens.
En parallèle, les trois gros
exportateurs (Russie, l’Ukraine et Kazakhstan) ont une
récolte en baisse de 34 % par rapport à 2011 et exporteront moins. Ils l'ont déjà beaucoup fait cet été
et veulent stabiliser leurs prix intérieurs en relevant leurs stocks de
sécurité: les régimes autoritaires ne craignent rien tant que des pénuries plus à même de les mettre en difficulté qu'une opposition formelle.
D'où l'anticipation d’énormes profits spéculatifs sur les céréales dans les salles de marché, et de ce fait la hausse se nourrit d'elle même.
Maïs: les USA tablent désormais sur une récolte
de 273 millions de tonnes au lieu des 375 envisagés
au mois de mai dernier. Comme ce pays utilise 40 % de son maïs pour
produire de l’éthanol destiné aux véhicules, les réservoirs concurrencent la consommation humaine et animale.
D'où la même spéculation.
Selon les prévisions de FranceAgrimer du
10 août dernier, la production française de blé tendre sera de
36,5 millions de tonnes en 2012, contre 34 millions en 2011. Le
rendement moyen sera de 75 quintaux à l’hectare, soit quatre de plus que
la moyenne des cinq dernières années. La qualité des blés panifiables
est correcte. Il en
va de même pour le blé dur, destiné à la production de pâtes, ainsi que
pour les orges, dont la production est en hausse de 30 % par rapport à
2011. Avec une souveraineté alimentaire nationale, nous serions protégés des aléas. La mondialisation bienheureuse nous mettra dans le pétrin: nos céréales partiront là où on les paiera le plus cher.
Beaucoup des ces céréales ont été vendues depuis plusieurs mois sur les marchés à terme au prix effectif de 170 à 180 euros la tonne... mais le blé rendu à Rouen s’affiche aujourd’hui à plus de 260 euros! Parasitisme habituel des spéculateurs...
En France toujours, souffriront en première ligne les éleveurs (volailles, porcs), les
producteurs de lait et, dans une
moindre mesure, les engraisseurs de bovins et d’agneaux: les fabricants
d’aliments pour le bétail répercutent l’augmentation des
céréales et des tourteaux de soja dans celui des aliments livrés aux éleveurs... qui ne fixent pas librement
le prix des animaux de boucherie ou du lait. Ces prix fluctuent selon la
loi de l’offre et de la demande mais le bras de fer permanent défavorise les éleveurs à cours de trésorerie, qui ne peuvent que plier aux oukases.
Les USA, la France et le Mexique
envisagent de réunir le Forum de réaction rapide, organisme mis
en place lors du G20 agricole de juin 2011 à Paris afin de tenter de freiner la spéculation sur les denrées alimentaires. Ce
G20 parisien entendait "améliorer la transparence sur les marchés
agricoles" et " coordonner les dispositifs d’observation satellitaires
de la planète" en vue de " réduire les effets de la volatilité des prix
pour les pays les plus vulnérables". Il préconisait enfin de "favoriser l’accès à des outils de gestion du risque pour les
gouvernements et les entreprises des pays en développement".
À aucun moment on n'a envisagé la seule mesure efficace contre la spéculation: constituer des stocks publics céréaliers de sécurité, cyniquement refusés par les exportateurs net de céréales et de soja, à commencer par les États-Unis et le Brésil (qui en l'espèce se conduit fort mal pour un pays de gauche). Ce " machin" regardant béatement les spéculateurs spéculer, on se demande à quoi il sert.
De l'aveu de Barnier, commissaire européen, les échanges virtuels de "dérivés agricoles" sur les marchés boursiers ont été multipliés par quatorze entre 2002 et 2008, et sans doute d'autant entre 2008 et 2012. La faim fait souffrir des millions de gens, mais elle enrichit quelques milliers de salopards à l'état pur.
Le pilotage de la production agricole à
partir d’un marché mondialisé perverti par la finance crée une situation
ingérable économiquement, explosive socialement et dévastatrice écologiquement.
Si on veut nourrir le monde au XXIe siècle, il faut pratiquer une agriculture "écologiquement intensive" relocalisée, en favorisant des plantes qui utilisent l’azote de l’air comme engrais, tandis que d’autres permettent de réduire les herbicides, les fongicides et les labours.
Il faut recréer des ceintures vertes
autour de nos grandes villes (et créer des fermes urbaines, nous en reparlerons) pour limiter les transports de denrées
périssables (fruits et les légumes frais), réduisant ainsi les
émissions de gaz à effet de serre. Il faut privilégier l’herbe pour les ruminants: le maïs ensilé et le
soja - importé, en plus - fragilisent les vaches, polluent et conduisent notre pays
à dépenser de précieuse devises. Et chacun des pays qui peut le faire doit conquérir, ou reconquérir sa souveraineté alimentaire!
Nous sommes au début d’un siècle qui verra la cherté des énergies fossiles, des engrais, une plus grande rareté de l’eau. Il va falloir réapprendre à jardiner la planète.
Le soja sera de plus en plus cher et l'UE en importe chaque année 34 millions de tonnes pour nourrir ses animaux d’élevage (volailles, porcins et bovins). Le taux de couverture de l’UE en protéines végétales pour animaux d’élevage n’est que de 44 %, celui de la France, meilleur, est de 65 %. Il faut augmenter ce pourcentage pour retrouver notre souveraineté, et agir pour que chacun puisse manger de la viande: un peu pour ceux qui en sont privés, moins pour les autres, mais pour tous, de la viande de bonne qualité.
NB. la production mondiale de soja a été multipliée par 8 en cinquante ans, ce qui implique une déforestation accélérée qui touche les forêts tropicales, aux conséquences écologiques et climatiques préoccupantes. En limitant notre dépendance, on fait oeuvre écologique.
Sources: un article de l'Humanité complété par : OFCE, FAO, ONU.
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