Il est temps de réfléchir sur la Constitution des USA, présentée partout comme un modèle de stabilité - elle a fort peu évolué en deux siècles - et d'efficacité.
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Tout d'abord, le principe des "grands électeurs": chaque état en désigne un certain nombre, proportionnel à sa population. Dans chacun d'eux, le candidat arrivé en tête emporte tous les sièges et cela a pour corollaire qu'un président peut fort bien avoir été élu tout en ayant obtenu nettement moins de suffrages que son concurrent. C'est quand même gênant, en démocratie.
Ensuite, de ce qui précède, la campagne se concentre sur les états susceptibles de faire la balance: le Middle West est presque totalement acquis aux Républicains, tout comme la Californie ou certains états de la côte est le sont aux Démocrates. Dans ces conditions, les électeurs de ces états ne se dérangent que fort peu puisque leur vote sera sans conséquence (ce qui explique en partie, mais en partie seulement, le fort taux d'abstention)
Aucune limitation n'est apportée aux dépenses électorales qui se chiffrent en centaines de millions de dollars. Mais il est clair que les "généreux donateurs" attendent quelque chose en échange. Notons aussi le poids de certains lobbies comme la NRA qui prône le droit pour tout citoyen d'acheter à peu près toutes les armes qu'il veut, et de les porter en toute circonstance. Résultat, 50.000 morts par balles chaque année, mais un candidat qui tenterait d'apporter un peu de sagesse (sans aller jusqu'à la prohibition) perdrait toutes ses chances.
Ce sont les exécutifs des Etats qui décident des modalités du scrutin, et certains ne se privent pas de manoeuvres peu reluisantes pour influer sur le scrutin. Bulletins de vote d'une complexité infinie dans des zones où sévit l'illettrisme qui frappe des électeurs démocrates potentiels, droit de voter sans présenter de justificatif d'identité, etc. En trois scrutins... trois lourds contentieux en Floride, où le gouverneur républicain torpille les démocrates!
La composition du Sénat, qui a un rôle autrement important que le notre, est curieuse: les petits états, voire les états minuscules, envoient autant de membres siéger à la haute assemblée que l'énorme Californie. le prix à payer, paraît-il, pour le fédéralisme...
Il y a souvent dualité entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif - comme c'était le cas avant ces élections, et comme ce sera toujours le cas (la Chambre des Représentants est républicaine, le Sénat démocrate d'une très courte tête, avec des sénateurs "démocrates" souvent dissidents). Et dans ces circonstances, le blocage est total quand une des parties s'obstine: le législatif ne peut pas censurer l'exécutif, l'exécutif ne peut pas dissoudre pour provoquer de nouvelles élections. De ce fait l'exécutif porte son veto sur les lois qu'ils désapprouve quand le législatif torpille tous les projets de l'exécutif au point qu'on arrive à des impasses budgétaires: Obama a déjà été réduit à mettre la moitié des fonctionnaires fédéraux au chômage faute d'argent pour les payer, et cela se reproduira.
En outre, la Cour suprême autrefois composée de juristes éminents et équanimes est de plus en plus (surtout depuis les présidences de Bush père et fils) composée de partisans qui font passer leur idéologie avant le reste: nommés par le président, leur mandat est illimité.
De tout ce qui précède, on déduira que le système américain n'est sans doute pas le pire... mais le présenter comme un "modèle" est quelque peu excessif: chaque pays a ses traditions bonnes et mauvaises et on ne peut que sourire devant cette hypocrisie marquée qui pousse le vaincu à féliciter chaudement son vainqueur, à lui souhaiter bonne chance, le jour même où ses troupes fourbissent leurs armes pour lui rendre la gouvernance impossible. A titre personnel, je préfère les moeurs françaises, plus franches: la droite dure à peine chassée du pouvoir considère dès le lendemain ses vainqueurs comme illégitimes, et s'estime en droit de tout faire pour les chasser, par tous les moyens. Les choses sont claires, dénuées de toute hypocrisie.
benjamin borghésio
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