Si d'aventure certains étaient tentés par leur exploitation, la désinformation que nous subissons depuis la publication du rapport Gallois devrait suffire à les convaincre: les arguments doivent être inexistants pour qu'on assène des contre vérités, et Rocard, chantre de l'écologie pour défendre les pingouins de l'Arctique tout en rejoignant un Allègre éructant comme d'habitude, au service de certains groupes de pression voulant polluer massivement la France, ne fait que se déshonorer.
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Citons Rocard, qui apporte sa caution à l'entreprise de lobbying:
"Quand on sait que le gaz de Lacq était extrait par fracturation hydraulique sans dégâts sur place, on s'interroge. Or, la France est bénie des dieux. Pour l'Europe, elle serait au gaz de schiste ce que le Qatar est au pétrole. Peut-on s'en priver ? Je ne le crois pas."
Qui appuie Rocard - décernant au passage un compliment qui tue à un homme prétendument de gauche? Fillon, dont le gouvernement a bloqué les projets tant ils étaient impopulaires, juste avant les présidentielles.
"Comme Michel Rocard – décidément un des esprits les plus éclairés du pays – l'a dit : le gaz de Lacq était extrait par fracturation hydraulique et ça ne faisait de peine à personne..."
Le problème - et c'est grave de la part de deux anciens premiers ministres supposés être des hommes d'Etat, c'est qu'ils mentent avec aplomb. Le gisement de Lacq a été découvert en 1951 et les reportages de l'époque conservés à l'INA montrent que déjà, on a magnifié leur potentialité:
Les milliards de mètres cubes de gaz naturel "enfouis à 4 000 m, sous la province d'Aquitaine, celle du bon roi Henri" permettraient de "donner à la France une part de son indépendance énergétique en diminuant d'un bon tiers nos importations de charbon" (le gaz était jusque là en grande partie produit par transformation de la houille). (RTF)
On a même évoqué un Texas dans le Sud-Ouest ! Le moins que l'on puisse dire, c'est que si l'exploitation de Lacq fut un bonheur industriel, elle n'a pas fait de la France un "Texas", elle ne l'a pas dotée de son "indépendance énergétique". Très vite, il a fallu importer massivement du gaz naturel (venu, entre autres, d'Algérie ) et quelques décennies plus tard, Lacq est épuisé.
C'est la même berceuse que nous chantent les pro-gaz de schiste qui prétendent que le sous-sol français en regorge alors même qu'aucune évaluation des réserves françaises n'a été encore réalisée. On notera avec intérêt que la Pologne s'était vue attribuer le rôle de nouvel eldorado énergétique, qu'elle a prospecté en ce sens et qu'EXON vient de s'en dégager, faute de rentabilité estimée.
Quel est le mensonge de Rocard, de Fillon et des séides qui le leur ont soufflé? pour exploiter Lacq, on n'a jamais employé la technique très controversée de la fracturation hydraulique, qui n'existait d'ailleurs pas à l'époque. S'il fallut innover (des forages de 4.000 mètres constituaient un bel exploit dans les années cinquante), l'exploitation était "conventionnelle" avec une contrainte supplémentaire qui diminua la rentabilité: la forte désulfurisation indispensable.
Citons Nicolas Terraz, directeur général de Total Exploration-Production France qui gère les puits aquitains depuis la fusion d'Elf et de Total :
"Les réservoirs disposent, de réseaux de fractures naturelles. La roche (du calcaire) a dû être stimulée, mais pas par fracturation hydraulique. La technique de l'acidification a été utilisée. Elle permet de faire migrer plus facilement les poches d'hydrocarbures vers le puits. C'est différent de la fracturation hydraulique, où l'injection à haute pression d'un fluide (mélange d'eau, de sable et d'adjuvants chimiques) ouvre dans le schiste des fissures qui peuvent s'étendre sur plusieurs centaines de mètres."
Or c'est cette fracturation hydraulique qui pose des problèmes environnementaux insurmontables! D'abord, parce qu'elle demande l'emploi de dizaines de milliers de m3 d'eau par puits, ensuite parce qu'elle envoie dans les nappes des produits chimiques de haute toxicité qui les polluent, enfin parce que la fracturation, par définition, facilite la remontée de méthane qui peut envahir les nappes aquifères et l'atmosphère. C'est ce que l'on constate dans les zones ainsi exploitées aux USA.
Autre donnée qui fait que les situations ne sont pas comparables. La densité de population, là-bas, est très inférieure, donc moins de gens pâtissent des nuisances (mais ceux qui en souffrent sans en tirer profit montrent leur dépit: gageons que des class-actions avec demandes de dommages et intérêts pharamineux verront le jour et diminueront la rentabilité). En outre, aux USA, le propriétaire d'un terrain possède le contenu de son sous-sol et touche de ce fait des royalties considérables en cas de "bingo". Rien de cela en France où propriétaires comme riverains ne récolteraient que les nuisances, ou peu s'en faut.
Ensuite, la supposée manne financière. De deux choses l'une: ou le gaz de schiste fera long feu dans le monde entier, et de ce fait son exploitation dans un pays à forte densité de population, doté d'innombrables zones patrimoniales, ne sera pas rentable au regard des inconvénients, des indemnisations à prévoir, etc.: les compagnies porteront leurs efforts là où elles n'auront pas ces contraintes...
Ou son exploitation mondiale portera sur des quantités énormes et dans cette hypothèse, le cours du gaz plongera: là encore, les revenus promis ne seront pas à la hauteur des enjeux. Et les investissements qu'on prétend faire pour saloper notre pays seront mieux employés dans des actions visant à économiser l'énergie, à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre (il y a quatre ans, Rocard était leur ennemi implacable et se faisait le chantre d'une taxe carbone; de nos jours, il veut les amplifier!)
Cela dit... Rien n'interdit la recherche fondamentale visant à découvrir des moyens autres que la fracturation hydraulique qui a prouvé sa nocivité, et qui débouchera peut être (mais je n'y crois guère) sur des moyens d'atteindre cette ressource sans atteinte grave à l'environnement.
De toute manière, les enjeux sont de diminuer les gaspillages d'énergie, plutôt que de toujours chercher à en produire davantage; surtout que les emplois créés à cet égard, par définition, ne sont pas délocalisables.
benjamin borghésio
Sources: INA, Wikipedia , le Monde, Lettre de l'Environnement
Un autre éclairage sur le lobbying relatif au gaz de schiste
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