Innocent ou coupable de ce dont on l'accuse, il est carbonisé et n'obtiendra de ce fait jamais de promotion politique, la majorité pensant "qu'il n'y a pas de fumée sans feu"
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Autant dire que Mediapart a une lourde responsabilité sur ses épaules. En 2012, une telle affirmation (le Ministre du budget aurait eu un compte en Suisse à l'UBS [lien], transféré depuis à Singapour selon un montage complexe), vraie ou fausse, peut tuer un politique en quelques jours, car relayée des milliers de fois.
Elle se devra d'être prouvée, faute de quoi la condamnation du média semble évidente.
Ce qu'en dit "l'intéressé"
Le mal est fait, car dès maintenant, par le biais des comptes sociaux et des blogs, l'affirmation est démultipliée: en 48h, elle est portée à connaissance de chacun, le plus souvent présentée sans conditionnel. Elle traînera aux doigts de Cahuzac comme un sparadrap sur les doigts.
A supposer que Mediapart ait des billes et détienne des preuves irréfutables, Cahuzac serait carbonisé et Hollande, par ricochet, sévèrement brûlé: son ministre du budget est un des hommes clés de son dispositif. Cadeau empoisonné... Cahuzac est défendu par Woerth qui traîne toujours derrière lui une série de casseroles pour lesquelles il est mis en examen, et qui doit savourer ce retour de balancier.
Dans le cas contraire, il est probable que le média sera condamné, encore que parfois les jugements de la 17e Chambre réservent des surprises quand dans les attendus on relève que l'assertion était inexacte mais qu'il convient de relaxer car il a présenté des preuves de bonne foi. Et dans tous les cas, la condamnation n'est jamais suffisamment forte pour mettre en péril l'existence du média: tout au plus l'amende et/ou les dommages intérêts ponctionnent une partie des recettes liées au buzz créé lors de la diffusion de l'information: les tribunaux défendent avant tout la sacro sainte liberté de la presse et veillent à ne pas couler un titre, quoiqu'il ait fait (se souvenir des papiers incendiaires stigmatisant la justice, publiés dans la presse unanime, après la terrible affaire d'Outreau: quand les journalistes se sont-ils remis en cause, eux qui n'ont jamais employé le conditionnel?)
Cela dit, les adversaires politiques, à l'instar de Wauquiez, ont beau jeu de souligner à quel point, pour les socialistes, les assertions de Mediapart étaient parole d'Evangile il y a peu de temps (pour ma part, je n'ai jamais éprouvé une quelconque sympathie pour Plenel et ses méthodes: un journaliste "dit" l'information, il la commente; il ne la "fait" pas). Cette affaire sera un cas d'école: la réputation de Cahuzac est entachée pour des années et il serait logique, si Mediapart ne parvient pas à prouver ce qu'il avance, qu'une condamnation le mette sur la paille pour des années, voire le contraigne à déposer son bilan.
On parle d'inéligibilité pour un politicien qui a failli... Pourquoi n'envisagerait-on pas, en cas de diffamation caractérisée qui "tue" une personne publique, un retrait temporaire ou définitif des cartes de presse? Il n'est pas de liberté - fût-elle celle de la presse - sans responsabilité. Et disons-le tout de suite au vu des premiers éléments de réponse de Plenel: une défense fondée sur "le refus de communiquer ses sources" serait inadmissible car dans ce cas, tout le monde peut écrire n'importe quoi, sur n'importe qui.
Pour le reste, "attendre et voir". Mais si l'information était confirmée, Cahuzac n'a plus rien à faire en politique tout autant que dans le cas contraire, Plénel devra être sanctionné pénalement et civilement, de manière dissuasive On écrirait bien qu'il n'aurait plus rien à faire dans le monde journalistique, si la corporation ne pousserait pas des cris d'orfraie devant cette perspective.
Actualisation, vendredi 7 au matin.
La production de l'enregistrement accusateur obtenu dans des conditions apparemment rocambolesques a suscité, chez Cahuzac, une curieuse réaction: Celui-ci ne l'impressionne pas plus que ça. Il serait pourtant simple de déclarer que c'est un faux au lieu de se perdre dans des arguments rhétoriques.
benjamin borghésio
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