C'est en tout cas la situation à Nantes, ville dont JM Ayrault fut le maire jusqu'à son arrivée à Matignon.
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Mission de "renseignement", ou travail normal de policiers municipaux?
Que ce soit un hebdomadaire militant de droite, le Point, qui révèle l'affaire n'enlève rien à son caractère choquant - et le système de défense de la Municipalité est étonnant.
Un fichier informatisé dressé par la police municipale d'Angers, datant de 2006, recensait 129 SDF. Etaient collectés les nom, prénom, date de naissance, surnom, antécédants judiciaires, de toxicomanie, d'alcoolisme, fumant ou non du cannabis, vivant ou non en squat, sujets à des problèmes problèmes psychiatriques, etc. Ce fichier consignait les moindres détails de la vie privée voire intime de ces SDF, y compris les relations homosexuelles.
On se demande au nom de quelle procédure le secret médical peut être ainsi violé de façon aussi grossière, et quelle est la motivation de cette dérive Orwellienne de la police municipale d'Angers qui s'écarte notoirement de ses missions habituelles, et de l'image rassurante qu'elle entend donner d'elle à la population (photos ci-jointes extraites du site municipal).
Exemples de fiches individuelles.
Téléchargement Fiche-sdf1 - Téléchargement Fiche-sdf2
Ce n'est pas tout. Ayrault a sollicité du Ministère de l'Intérieur la mise à disposition de hauts fonctionnaires pour structurer sa police municipale, et le choix de ces derniers laisse perplexe.
Dès l'arrivée à Nantes en 2004 de Gilles Nicolas, nommé directeur de la réglementation et de la tranquillité publique (DRTP), ce dernier met en place le fichage méthodique des SDF. Il était formaté pour cela, puisque c'était un commissaire divisionnaire des Renseignements généraux mis à disposition de la Mairie par le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy. A l'âge de la retraite, Ayrault en fera son adjoint au maire chargé de la sécurité et il sera remplacé par Didier Fillion-Nicolet, alors directeur du renseignement intérieur dans le département lui aussi prêté par le ministère de l'Intérieur, et qui vint occuper les fonctions de DRTP de Nantes.
Ca ne suffit pas à Ayrault. En 2011, un troisième commissaire, Lionel Edmond, ancien numéro deux des RG à Nantes, est à son tour détaché à la mairie.
Trois barbouzes dans une mairie, c'est unique en France et on ne perçoit pas la logique de ce "casting": s'il est fréquent de faire appel à des responsables venus de la sécurité publique pour diriger une police municipale voire un service de sécurité interne, quid de flics venus du renseignement, quand la loi spécifie très clairement que les policiers municipaux n'ont aucun travail d'enquête ou d'investigation à effectuer?
Pourquoi avoir embauché autant d'hommes du renseignement ? "J'ai recruté des compétences avant tout sur des problématiques de sécurité", s'agace Gilles Nicolas qui prend ses interlocuteurs pour des imbéciles: ce critère aurait justement poussé à embaucher des spécialistes de la Sécurité publique, et pas du renseignement.
Quant au fichage des SDF ? Didier Fillion-Nicolet se défausse : "C'était avant que j'arrive. Depuis, tout a été rectifié et on a même un correspondant de la Commission nationale de l'informatique et des libertés en mairie depuis 2010." Ce serait donc la faute de l'actuel adjoint à la sécurité, Gilles Nicolas? Ce dernier prétend que la Cnil n'a jamais rien trouvé à redire lors de ses inspections. Au contraire, elle se serait même fendue d'un satisfecit... qui ne signifie rien: par définition, elle ne peut donner quitus que pour des fichiers qui lui sont présentés: était-ce le cas? Silence assourdissant de cette dernière quand on lui pose la question...
Tout à fait logiquement, on est en droit de s'inquiéter d'un possible flicage des oppositions au projet de Notre Dame des Landes (c'est sans doute extrapoler, mais le moins que l'on puisse dire est qu'Ayrault a donné des verges pour se faire étriller)
Ce tropisme de la municipalité de Nantes pour des policiers issus du renseignement inquiète. "Qu'est-ce qui nous prouve qu'il n'y a pas eu d'autres catégories de la population nantaise fichées ?" s'interroge un fonctionnaire d'une collectivité locale qui souhaite conserver l'anonymat. Du côté des opposants à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, un projet défendu bec et ongles par Jean-Marc Ayrault, on se pose les mêmes questions... La présence à la mairie de deux ex-RG qui ont eu à traiter, lorsqu'ils étaient en poste dans le département, l'épineux dossier de l'aéroport est dénoncée comme un mélange des genres. "Je trouve cela choquant et ça m'interroge, affirme l'agriculteur Michel Tarin, très engagé dans la lutte contre le projet. Depuis le début, tout est très bien ficelé dans cette affaire." (lepoint.fr)
Gilles Nicolas et Didier Fillion-Nicolet jurent que les turbulences autour de Notre-Dame-des-Landes ne rentrent pas dans le cadre de leur mission. Prière de les croire, mais la police municipale de Jean-Marc Ayrault a déjà fâcheusement défrayé la chronique, avec des accusations portées contre certains agents qui auraient usé de violence illégitime. Par ailleurs, en 2009, une note de service avait intimé l'ordre aux policiers municipaux de faire des contrôles préventifs des Roms, ce qui est illégal (pas dans les missions dévolues aux polices municipales).
Les socialistes avaient parfois une réputation d'angélisme en matière d'ordre et de sécurité publique, mais on leur attribuait un attachement aux principes fondamentaux du droit et des libertés plus développé que celui de leurs adversaires. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'avec cette affaire, Ayrault sème le doute. On le croyait bon et un peu con... Il donne là l'image de quelqu'un de méchant et d'intelligent.
D'une manière plus générale, il faudra porter un coup d'arrêt avec cette "shériffisation" des polices municipales (de quelque bord que fussent les municipalités) qui deviennent de plus en plus les bras armés de potentats locaux amenés à les utiliser à des fins de moins en moins avouables.
benjamin borghésio
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