Pendant la seconde guerre mondiale. Avec infiniment moins de talent, beaucoup plus de mauvaise foi, et infiniment d'outrance.
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Le C dans l'Air de jeudi 29 novembre en est un exemple parmi infiniment d'autres, qui traitait de la problématique d'Arcelor-Mittal et de la nationalisation éventuelle du site.
Premère interrogation, en guise de préalable. Cette émission réunit des gonzes qui causent sur un plateau décoré de façon basique, interrompus parfois par de courts sujets achetés à des réalisateurs indépendants ou émanant d'équipes du service public. Concept qui n'est pas d'une originalité débordante: pourquoi France Cinq fait-elle appel à une société de production - qui prélève une grosse marge - pour réaliser l'émission? Le service public de l'audio-visuel qui court après dix-neuf sous pour faire un franc ne peut-il pas réaliser ce genre de machin, avec ses propres journalistes, au lieu de sous-traiter?
Là, pour évoquer l'opportunité et les conséquences éventuelles d'une prise de contrôle par l'Etat du site de Florange, Calvi a réuni trois types porteurs de la doxa néo-libérale et un quatrième vaguement keynesien, qui parlait un peu comme Rocard: le comble de l'insolence économique, pour Calvi. Trois contre 1/2... ça ne suffisait pas et le meneur de jeu a pris pendant toute l'émission les patins néo-libéraux avec
une fougue, un enthousiasme digne de Vichinski aux meilleurs moments des purges staliniennes. On passera sur le "reportage" tourné face au ministère de l'économie, là où campent des salariés de Mittal désespérés, conscien- cieusement ridiculisés par des plans de coupe sélectionnés, des morceaux choisis pour les faire passer pour de gros beaufs incultes (rendez vous compte... Ils veulent travailler dans une région qui compte 20% de chômeurs et à quarante ans ou plus, avec une formation de base, ils ne se voient pas intégrer un pôle de très haute technologie pour suivre une formation "pointue")
Pour mieux "démontrer" à quel point les nationalisations c'est caca, on a passé un autre "reportage" longuement commenté, sur celles de 1982 et ce que ça a coûté à la France. 39 milliards de francs payés pour 39 banques et cinq grands groupes industriels, une ardoise qui grimpa à 90, avec les intérêts. J'ai vérifié... les chiffres sont exacts à dix milliards près, intérêts compris, et la somme ainsi commentée peut donner le vertige. Remettons là en perspective.
D'abord, les nationalisations n'auraient dû coûter que 31 milliards. L'addition a substantiellement grimpé parce que le Conseil constitutionnel, composé à l'époque de partisans tous nommés par Pompidou et Giscard, a fait grimper l'ardoise en invoquant des motifs pour le moins spécieux.
Ensuite, on oublie ce qui a suivi... c'est à dire les privatisations de ces groupes, à compter de 1986. Balladur en a lancé une première vague à un prix cassé, qui constitua une scandaleuse spoliation de l'Etat: la preuve en est que pour chaque action mise sur le marché, il y eut entre cinq et onze souscripteurs inscrits, et que dès la première cotation des sociétés privatisées, leur cours a grimpé de 30 à 50% (le krach de 1987 sur lequel on a voulu nous faire pleurer ne fit que remettre très temporairement les pendules à l'heure). Chirac et Balladur ont gagné ainsi 50 milliards qui sont tombés dans le budget "commun" (les présidentielles de 1988 devaient être gagnées à tout prix) au lieu d'être réinvestis ou affectés au désendettement.
Dès 1990, Bérégovoy a subrepticement continué à privatiser, et a récolté 30 milliards en trois ans. Ce grand voyou de Strauss-Kahn a continué sous Jospin, pour un programme de 40 milliards de francs parachevé par Fabius.
En clair, l'Etat a gagné, par le biais des privatisations, 130 milliards sur la revente de ce qui lui a couté de 39 à 80 milliards selon la manière dont on compte, en revendant à peu près ce qu'il avait acheté en 1982 (certes il a cédé plus d'entreprises, mais comme il a gardé des participations minoritaires un peu partout, cela revient au même: en actif, ses avoirs sous forme d'actions représentent 45% du PIB en 2012; A comparer aux 90% de "dette")
C'est un euphémisme, de dire que si tous les gestionnaires dégageaient une telle plus-value tout en traitant leurs employés nettement moins mal que la norme, l'économie française se porterait mieux... Surtout que, la plupart du temps, les actifs furent bradés (bis repetita).
Le gonze du Figaro nous a sorti la bonne vieille scie: l'affaire du Crédit lyonnais prouve que l'état est forcément un mauvais gestionnaire. Plussoiement vigoureux du Sieur Calvi... qui oublia de rappeler que:
- le CDR chargé de solder les comptes a abouti à des pertes cumulées de 40 milliards de francs pour solde de tous comptes quand au début de l'affaire, on parlait de 120 milliards; que les pertes du CL d'Haberer étaient le résultat des instructions données par Bérégovoy pour que la banque soutienne pas mal d'entreprises, et cela en pleine récession... sans cela, on aurait sans doute compté quelques dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires.
- la droite aux affaires a augmenté le trou en recourant à la procédure d'arbitrage (réalisé en outre dans des conditions très douteuses) au lieu de la voie judiciaire, dans le seul but de renflouer Tapie pour le remercier de ses bons et loyaux services sarkozystes.
- se gausser des pertes d'une banque publique en zappant les centaines de milliards d'euros perdus par les banques privées en 2008 - et ce sont les contribuables qui continuent de payer les pots cassés -, c'est audacieux. Calvi et ses convives ont osé.
De tout ce qui précède on déduira que les arguments de ces contempteurs par principe des nationalisations, prenant les patins de Parisot qui préfère défendre un patron voyou aux méthodes mafieuses, dont la parole n'a aucune valeur, que soutenir le tissu économique d'une région déjà sinistrée, sont bien faibles pour qu'ils fassent preuve d'une telle mauvaise fois.
benjamin borghésio
Cette note est la millième de ce blog.
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