On a beaucoup parlé "de l'exil fiscal" d'une star du cinéma français, en nous expliquant qu'il n'avait pas volé l'argent gagné. Pas volé, certes, mais facilement gagné grâce à l'exception française, dont il a largement profité comme les autres vedettes françaises.
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Nos stars sont majoritaires, à geindre sur le taux d'imposition confiscatoire qui les spolierait en France. Depardieu a prétendu avoir payé l'année dernière "85% de ce qu'il gagnait au titre de l'impôt sur le revenu", ce qui est se moquer du monde: comment payer une telle somme alors que la tranche d'imposition la plus élevée se montait à 41%, et qu'une infinité de niches fiscales permet aux plus nantis de réduire leur imposition de façon drastique, et cela dans la légalité, par le biais de l'optimisation fiscale? (qui fait que le plus souvent, un milliardaire est en pourcentage moins imposé qu'un cadre supérieur)
Les mêmes stars omettent pudiquement de parler du montant de leurs cachets. Heureusement, Vincent Maraval, dans une tribune du Monde** lève le voile sur le sujet.
Les films français dont la plupart, en 2012, ont fait un four, sont trop chers à cause du montant astronomique de certains cachets, en concurrence sur ce plan avec les films américains... mais ces derniers ne donnant pas comme leurs homologues hexagonaux l'impression d'être tournés à l'économie avec des décors au rabais et des figurants en nombre insuffisant.
** (du 29 décembre; quatre jours après, on parle de Maraval Gate)
Un film français coûte en moyenne 5,4 millions d'euros, quand le coût moyen d'un film indépendant américain tourne autour de 3 millions d'euros (effectivement, les super productions des "Major" dépassent ce budget, mais les entrées en salle suivent). Ce coût moyen, en France ne baisse jamais, quand le marché de la salle stagne, que la vidéo s'écroule et que les audiences du cinéma à la télévision sont en déclin face aux séries.
Prenons le cas de Dany Boon, acteur qui incarne s'il en est "la France profonde" (tout en vivant à Los Angeles). Malgré des bides relatifs (on refait rarement "bienvenue chez les Ch'tis" plusieurs fois consécuvives), il va commencer son nouveau film, Hypercondriaque, pour un cachet proche de 10
millions d'euros. Cela fait suite à Depardieu qui toucha un million pour quelques minutes dans Astérix ou même 3,5 millions pour Le Plan Parfait.
Pourquoi un acteur français de renom touche-t-il pour un film français - au marché limité à nos frontières, la plupart n'étant pas exportables - des cachets allant de 500.000 à 2 millions d'euros, alors qu'aux USA (films à marché mondial), il se contente de 50 000 à 200 000 euros ?
Quelques exemples.
Vincent Cassel dans Black Swan : 226 millions d'euros de recettes monde pour 226 000 euros de cachet. Mais dans Mesrine tourné en France, 1,5 million d'euros pour 22,6 millions d'euros de recettes monde.
Philippe Lioret touche deux fois plus que Steven Soderbergh et sept fois plus que James Gray ou Darren Aronofsky qui ne sont pas des manches... A ce compte là, Depardieu qui est honni en ce moment n'est pas le pire, lui qui de temps à autre joue pour rien ou peu s'en faut, parce qu'un projet lui plait ou qu'il veut donner un coup de pouce à un réalisateur.
Comment fonctionne le cinéma français? Dix fois moins de recettes, mais cinq fois plus de salaire, essentiellement concentrés sur les têtes d'affiche. On ne s'étonnera pas que l'économie du cinéma français se porte mal et que même les "monstres" qui engrangent des millions d'entrées dégagent des bénéfices médiocres.
Pourquoi ce scandale? Tout vient d'une "exception culturelle" mal comprise, qui tourne à la gabegie des fonds publics. Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) tait pudiquement les subventions directes dont jouit le cinéma français - par le biais des chaînes publiques pour cela en quasi faillite, par les avances sur recettes, par les aides régionales, sans oublier l'obligation d'investissement des chaînes privées. De ce fait, les innombrables échecs de la profession n'émeuvent guère acteurs et producteurs: en 2012, sur le top 10 des films d'une économie qui en concerne 220, un seul est rentable... mais nul ne pose la question de ces cachets démesurés.
On ne jettera pas le bébé avec l'eau du bain en rompant avec l'exception culturelle française qui permit, par exemple, de sauver le livre (le gouvernement ultra-libéral allemand, après avoir bataillé des années durant à Bruxelles contre la politique du prix unique, viennent de l'adopter).
Mais le cinéma français fait très (trop) bien vivre quelques vaches sacrées, tout en maintenant des centaines de petites mains dans une condition précaire. Qu'il y ait des aides publiques qui contribuent à sauver un secteur créateur d'emploi et qui concourt largement au rayonnement national, soit. Que ces aides soient englouties dans des cachets pharamineux déconnectés de toute réalité économique et même de la personnalité d'un acteur qui tournera pour dix fois moins aux USA, sans discuter, c'est une autre affaire. Il ne doit pas être insurmontable, de plafonner les cachets des vedettes qui tourneront dans un film bénéficiant de subventions publiques ou d'avances sur recettes et si ces acteurs se jugent mal traités, qu'ils aillent se vendre ailleurs!
Ce sera l'opportunité de découvrir de nouveaux talents, la scène française étant de plus en plus monopolisée par quelques acteurs dont le talent n'est plus à la hauteur de la réputation, ainsi que par les innombrables fils et filles de. C'est de cette consanguinité, que le cinéma français finira par crever!
En outre, leurs cachets étant ramenés à la moyenne nationale, nos malheureux acteurs se poseront moins la question du taux d'imposition confiscatoire: leurs revenus toujours très confortables deviendront simplement moins indécent. Maintenant, s'il plait à un producteur privé qui engage son propre argent de gaver quelques vedettes à coups de millions, qu'il le fasse. Si c'est avec l'argent public, la logique est différente: c'est le contribuable qui devient actionnaire de sa société.
benjamin borghésio
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