Il n'est pas possible de dire tout et son contraire, de charger Sarkozy quand il bouleversa la semaine scolaire et de refuser qu'on tente de réparer une partie des dégâts.
___________________________
Quand les revendications strictement corporatistes (au demeurant légitimes, mais à remettre en perspective) prennent la priorité devant l'intérêt élémentaire des enfants, on doit rappeler un principe:
l'école est faite pour les élèves et pas pour les adultes.
De quoi s'agit-il? Sarkozy a réduit la semaine de travail de l'enfant scolarisé en primaire à quatre jours en lieu et place de neuf demi-journées, alors que les jeunes élèves français ont de tous les pays de l'OCDE la journée de travail la plus longue... et le moins de jours de classe. Six heures de cours additionnées pour beaucoup à des heures de cantine où les petits mangent dans le vacarme (les réfectoires sont tout sauf adaptés) plus des garderies interminables, cela constitue des journées de travail que pas mal d'adultes refuseraient (au bureau voire à l'atelier quand on n'est pas en travail posté, on sort pour s'en griller une en bavardant quand on en a envie; je ne connais pas d'instituteur qui laisserait ses élèves se dégourdir les jambes quelques minutes à chaque fois que ça leur chante, par petits groupes successifs (je suis passé pour un déjanté dans une école, quand certains des élèves dont j'avais la charge se tortillaient sur leur banc et cessaient d'écouter, et qu'au lieu de leur hurler dessus, je les envoyais faire le tour de la cour en cavalant, avant de passer au robinet se rafraichir: et pourtant c'était infiniment mieux pour eux comme pour moi)
Dans un légitime souci de rééquilibrage, Peillon entend rétablir la neuvième demi-journée, en maintenant le nombre total d'heures de cours. Et c'est là que le corporatisme se déchaine, qu'on annonce une grève massivement suivie - ce qui est un comble, quand les enseignants se sont fort peu mobilisés en 2011 lorsque Sarkozy leur imposa deux années de travail supplémentaires!
Toute chose arrive un jour: l'auteur de ce blog est en plein accord avec un éditorial du Monde.
Quelle palinodie ! Depuis trente ans, tout le monde ou presque s'accorde sur le diagnostic. Enseignants, chercheurs, Académie de médecine, chronobiologistes, parents, parlementaires et ministres successifs l'ont répété : nous avons l'organisation du temps scolaire, particulièrement à l'école, la plus absurde et contre-productive qui soit.
La journée de six heures d'enseignement – la plus longue des pays de l'OCDE – est unanimement jugée trop lourde pour tenir compte du temps d'attention des enfants. La semaine de quatre jours, instaurée en 2008, est jugée à la fois trop compacte et trop hachée. Quant à l'année scolaire, la France détient le record mondial de brièveté : 144 jours de classe, contre 180 à 200 dans tous les pays comparables.
Les mises en garde ont été incessantes. Ces rythmes scolaires ne sont pas seulement mauvais pour les enfants. Ils ont conduit, en quatre décennies, à ce que l'historien de l'éducation Antoine Prost qualifiait en 2008 de "Munich scolaire" : une réduction spectaculaire de 20 % du temps global de travail des élèves ! Et que croyez-vous qu'il se passât ? Rien.
Depuis le jour de son entrée en fonctions, le ministre de l'éducation nationale, Vincent Peillon, a rouvert le dossier avec énergie et engagé une longue concertation avec tous les acteurs concernés. Son objectif ? Rétablir la semaine de quatre jours et demi afin de réduire la journée de classe d'au moins... une demi-heure, en l'accompagnant, jusqu'à 16 h 30, d'activités périscolaires prises en charge par les collectivités locales. Il s'est bien gardé de toucher à la durée de l'année scolaire. Trop explosif ! Et, après arbitrage du président de la République, s'il pose le principe que cette réforme sera appliquée à la rentrée 2013, il admet que des villes puissent la reporter à 2014.
Et que croyez-vous qu'il se passe, devant cette considérable révolution ? La grève, annoncée massive, des enseignants des écoles parisiennes, ce 22 janvier, et une journée nationale d'action de leurs syndicats le lendemain.
Il est vrai que le maire de la capitale a annoncé son intention d'appliquer la réforme à la rentrée prochaine. Vrai aussi que les instituteurs parisiens craignent de perdre dans l'affaire un privilège qui remonte à la monarchie de Juillet : ne pas enseigner la musique, les arts plastiques et l'éducation physique, pris en charge, à Paris, par des enseignants "municipaux". Vrai encore qu'il leur est demandé de (re)travailler une demi-journée de plus, sans augmentation de salaire. Vrai, enfin, qu'ils tentent d'entraîner les parents dans leur combat.
Disons-le tout net : ce corporatisme étriqué est lamentable. Les performances médiocres de l'école française, attestées par toutes les enquêtes internationales, devraient plutôt inciter tous ses acteurs à se mobiliser, avant tout, dans l'intérêt des enfants.
Oui, il faudra bouger cinq fois dans la semaine au lieu de quatre. Mais cette demi-heure en moins qui est la plus pénible avec des élèves non réceptifs et indisciplinés changera aussi le vécu de l'enseignant. Que des négociations s'ouvrent pour obtenir une revalorisation matérielle et morale de la profession, rien de plus normal. Mais se mettre massivement en grève sur ce motif, c'est lamentable.
benjamin borghésio
Les commentaires récents