La Grande Bretagne bénéficie déjà d'un régime très largement dérogatoire aux règles communes de l'Union. Elle n'est pas dans la zone Euro, ce qui lui permet de pratiquer une politique monétaire agressive vis à vis de ses partenaires (exemple: dévaluation compétitive). Elle touche un "chèque" qui vient en déduction de sa participation normale au budget de l'Union. Elle n'est pas dans l'espace Schengen... J'en passe et des meilleures.
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Malgré toutes ces concessions, les Rosbifs se déclarent majoritairement europhobes et Cameron ("je suis leur chef, il faut donc que je les suive...") annonce qu'il entamera des négociations avec ses partenaires pour renforcer la spécificité de la position de la Grande Bretagne au sein de l'Union (traduisons: en tirer plus de bénéfices mais être débarrassé de nombreuses servitudes) avant, c'est un fort de café, de poser par référendum aux citoyens britanniques la question de savoir s'ils entendent rester dans l'Europe.
On peut les juger culottés: après tout, ce sont des convives arrivés après les autres, à qui on a mis un couvert de plus, qui dès le départ ont revendiqué une place spéciale avant de réclamer plus tard un menu adapté et une réduction substantielle de l'addition - conditions que les autres ont acceptées sans trop barguigner en grognant parfois, de façon velléitaire (il n'y eut guère que Chirac face à Thatcher avec le fameux: " Mais qu'est ce qu'elle veut, cette ménagère? Mes couilles sur un plateau?" qui s'exprima avec la franchise requise. Franchise hélas non suivie de décisions concrètes.)
Les Rosbifs sont habitués à faire plier l'Union européenne comme une fille de joie qui ne ferait pas l'amour à son client tout en le couvrant d'injures au quotidien. Ils n'ont aucune raison de changer: taper sur la table, exiger toujours davantage en se pinçant le nez d'un air dégoûté malgré les concessions qu'on leur fait, ça leur réussit plutôt bien.
Mais qu'en face on aborde les négociations à venir dans une posture de soumission, c'est plus qu'un comble.
Mercredi 23 janvier, Moscovici, après avoir fait la liste de toutes les concessions déjà obtenues par les Britanniques, pose comme postulat que
"la place du Royaume Uni en Europe est fondamentale". (BFM TV)
Par ailleurs:
La chancelière allemande Angela Merkel s'est dite mercredi 23 janvier "prête à discuter des souhaits britanniques" concernant l'Union européenne.
"Nous sommes naturellement prêts (...) à discuter des souhaits britanniques", a déclaré la chancelière en marge d'une conférence de presse. (le monde.fr)
En outre:
L'Union européenne a besoin d'un Royaume-Uni "membre à part entière", a affirmé mercredi le président du Parlement européen, Martin Schulz, après le discours du Premier ministre britannique David Cameron qui a souhaité l'organisation d'un référendum sur l'appartenance de son pays à l'UE. (la libre belgique)
Cameron, qui est autant attaché que ses prédécesseurs à la "relation spéciale" qui fait du Royaume Uni le 51e Etat des USA le dit d'ailleurs cyniquement:
"C'est important pour notre capacité à accomplir des choses dans le monde. C'est important aux yeux des Etats-Unis et de nos autres amis dans le monde. C'est pourquoi beaucoup nous disent très clairement qu'ils souhaitent que le Royaume-Uni reste dans l'Union européenne. [...] Si nous quittons l'Union européenne, ce sera un aller simple, sans retour." (la libre belgique)....
Confirmant ainsi que les USA entendent que leur vassal demeure dans l'UE, au seul titre de Cheval de Troie.
Cerise sur le gâteau, Cameron parachève le tout: on renégocie, on vous arrache un maximum de concessions, on se débarrasse de la plupart de nos devoirs et on se payera le luxe de décider par nous même si finalement votre compagnie nous agrée:
"Quand nous aurons négocié un nouvel accord (...), nous offrirons aux Britanniques un référendum avec un choix très simple : rester au sein de l'UE sur cette nouvelle base ou en sortir complètement, avait déclaré David Cameron lors d'un discours-clé sur l'Europe. Il est temps que les Britanniques aient leur mot à dire".
Il est temps que les Britanniques aient leur mot à dire, ose-t-il.
On croit rêver... Qui toqua à la porte du Marché commun, ancêtre de la CEE puis de l'UE, après l'avoir dédaigné des années durant? MonGénéral avait fait preuve de clairvoyance avec son célèbre: "l'Angleterre, je la veux ; mais je la veux nue!" lui qui n'avait pas oublié les hurlements d'un Churchill hystérique qui vociférait: "chaque fois que nous aurons à choisir entre le continent et le grand large, soyez sûr que nous choisirons le grand large!". Le gaullisme avait des tas de défaut, mais il obéissait à une logique, celle d'une Europe des patries et des peuples. Il fallut que MonGénéral disparaisse, chassé par la réintégration des pétainistes dans la droite française qui permit l'avènement de Pompidou, pour que l'atlantisme le plus inféodé entre dans le marché commun.
Imaginons que les grands européistes bêlants soient persuadés qu'on doit garder les Rosbifs parmi nous (Delors, parmi d'autres, est sorti lui aussi de sa retraite pour aller de son couplet larmoyant sur le caractère indispensable du Royaume Uni dans l'Europe)...
... Quelle cette manière d'aborder une négociation en se mettant la tête sur le billot?
Pourquoi les divers peuples de l'UE, pays par pays, ne sont-ils pas consultés par référendum sur l'acceptation ou non des innombrables clauses dérogatoires qui font de la Grande Bretagne un membre non pas à part entière, mais entièrement à part?
Chiche! Une consultation, mais pas à sens unique. Et que les Anglais ne s'imaginent pas qu'en cas de divorce, ils bénéficieront automatiquement du maintien dans le Marché unique (la seule chose qui les intéresse, au fond). En cas de rupture de leur fait ou du fait de certains membres de l'UE, ils auront le statut de partenaire commercial de l'UE traité comme tel, pas mieux, pas pire, selon les seules règles de l'OMC (en attendant que l'on amendât aussi ce machin qui ne fonctionne que selon les critères néo-libéraux)
Lire (et c'est très modéré!) : "les Britanniques ne peuvent pas avoir le beurre et l'argent du beurre" (lien)
benjamin borghésio
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