Non, l'orpaillage dans un biotope d'une richesse inestimable, près d'un village dont l'essentiel de l'activité est fondée sur l'éco-tourisme, ne sera jamais une alternative économique viable: écoutez ce qu'en dit la population qui y est massivement opposée, de même que les signataires de cette lettre ouverte.
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Le maire, H. Charlotte, se dit "sidéré" par la décision de Montebourg.
Monsieur Arnaud Montebourg, ministre du Redressement Productif,
Monsieur
le Ministre, en tant que chercheurs en Ecologie et gestionnaires de
l’environnement, nous sommes particulièrement surpris par votre décision
d’autoriser une exploitation minière à proximité du village de Saül en
Guyane française (Arrêté du 26 octobre 2012, paru au Journal Officiel
le 11 décembre dernier).
Nos travaux de recherche, orientés sur
les impacts humains sur les écosystèmes aquatiques, nous ont amenés à
réaliser différentes études sur l’impact de l’orpaillage en Guyane
(projets CNRS, Parc Amazonien, DEAL, ANR). Nous nous accordons sur le
fait que les activités d’orpaillage, légal comme illégal, affectent non
seulement l’environnement mais également la santé publique.
Nous
avons en particulier étudié la biodiversité aquatique autour du village
de Saül. C’est donc notre connaissance du contexte local qui nous
conduit à souligner plusieurs points plaidant à l’encontre de
l’autorisation d’activités d’orpaillage à proximité de Saül.
- La région de Saül est un haut lieu de biodiversité.
Les
travaux que nous avons menés en 2011 sur les cours d’eau proches de Saül ont révélé une diversité importante de poissons d’eau douce et des
espèces rares ont pu être identifiées. Plusieurs espèces probablement
nouvelles pour la science ont été collectées durant cette mission de
terrain.
Ces premiers résultats ont été vulgarisés dans un
article de la revue "Une saison en Guyane" (1) et dans le rapport
d’activité 2011 du Parc Amazonien de Guyane.
Les activités
d’orpaillage ont un impact direct sur la qualité de l’eau des cours
d’eau et sur la biodiversité aquatique (2). Elles mettront très
probablement en danger ces espèces rares et peu connues.
De plus,
de par sa localisation géographique et sa facilité d’accès, le village
de Saül constitue un milieu d’étude sans pareil pour de nombreux
scientifiques. Les perturbations environnementales induites par des
activités minières compromettront durablement le statut de site de
référence de ces écosystèmes. Il sera alors impossible de poursuivre les
recherches initiées sur ces cours d’eau et d'assurer un suivi à long
terme des changements globaux (tels que le changement climatique par
exemple) sur ces écosystèmes.
- L’éco-tourisme est la principale activité de Saül
Le
village de Saül est le seul lieu en Guyane présentant des écosystèmes
forestiers quasiment vierges tout en étant facilement accessible grâce à
une desserte aérienne quotidienne. Le village de Saül est en cela une
vitrine pour le Parc Amazonien Guyane (3). Depuis plusieurs décennies,
ce village s’est construit une solide réputation en termes
d’éco-tourisme et la grande majorité des habitants vivent de ces
activités (hébergement, restauration, guidage en forêt, …) validées et
encouragées par la création du Parc National. L’implantation d’un site
d'orpaillage à proximité du village va donc à l’encontre de l’image de
milieu vierge qui fait la réputation de Saül et la fierté de ses
habitants. La baisse de fréquentation touristique consécutive aux
activités minières risque donc de mettre en péril l’économie locale et
de nuire au développement harmonieux du village.
- L’autorisation d’une exploitation minière va à l’encontre de la volonté locale.
Les
habitants de Saül ont à l’unanimité refusé l’installation de toute
exploitation minière à proximité du village (4), tout comme le Parc
National qui a donné un avis défavorable à la demande d’exploitation
déposée par la société minière REXMA (5).
Votre décision d’autoriser l’implantation d’un site d’orpaillage à proximité de Saül va donc en l’encontre de la volonté locale. En ce sens, cette décision nous parait contraire à la politique du Gouvernement qui prône une politique concertée et proche des citoyens.
Pour l’ensemble de ces raisons environnementales, économiques et civiques, nous vous demandons, Monsieur le Ministre, de reconsidérer votre décision d’autoriser une activité d’orpaillage à proximité du village de Saül.
Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, nos sincères salutations.
Toulouse, le 10 Janvier 2013.
Liste des signataires :
- Sébastien Brosse, Professeur à l’Université Paul Sabatier de Toulouse, responsable de l’équipe recherche "Ecologie aquatique et changements globaux" du laboratoire Evolution et Diversité Biologique (UMR 5174 UPS-CNRS-ENFA). [email protected]
- Marina Coquery, Directrice de recherche à l'Irstea de Villeurbanne, Laboratoire de chimie des milieux aquatiques, UR "Milieux Aquatiques, Ecologie et Pollutions". [email protected]
- Agnès Feurtet-Mazel, Maître de Conférences à l'Université Bordeaux 1, UMR 5805-EPOC. [email protected]
- Gaël Grenouillet, Maitre de Conférences à l’Université Paul Sabatier de Toulouse, Membre de
l’équipe de recherche "Ecologie aquatique et changements globaux" du laboratoire Evolution et
Diversité Biologique (UMR 5174 UPS-CNRS-ENFA). [email protected]
- Christine Lauzeral, Professeur Agrégée à l’Université Paul Sabatier de Toulouse, membre de
l’équipe de recherche "Ecologie aquatique et changements globaux" du laboratoire Evolution et
Diversité Biologique (UMR 5174 UPS-CNRS-ENFA). [email protected]
- Pierre-Yves Le Bail, Directeur de Recherche à l'INRA de Rennes, membre du Conseil Scientifique du Parc Amazonien de Guyane. [email protected]
- Régine Maury-Brachet, Ingénieur de Recherche à l’Université Bordeaux 1, coresponsable des programmes CNRS "Mercure en Guyane", UMR EPOC 5805. [email protected]
- Jean-Marc Roussel, Chargé de recherches à l'INRA de Rennes, UMR 0985 "Écologie et Santé des Écosystèmes", Équipe "Conservation et Restauration des Écosystèmes Aquatiques". Jean-
[email protected]
- Loïc Tudesque, Assistant Ingénieur au CNRS. Membre de l’équipe de recherche "Ecologie aquatique et changements globaux" du laboratoire Evolution et Diversité Biologique (UMR 5174 UPS-CNRSENFA). [email protected]
La Mana. En 1984, l'eau était si propre qu'on pouvait la boire sans filtration. Aujourd'hui, le fleuve n'est qu'une coulée de boue.
Références :
(1)- Les têtes de criques de Guyane passées au crible. Une saison en Guyane n°9, pages 56-62, Aout-
Décembre 2012.
(2)- Brosse S., Grenouillet G., Gevrey M., Khazraie K. & Tudesque L. 2011, Small-scale gold mining
erodes fish assemblage structure in neotropical streams. Biodiversity & Conservation 20: 1013-1026.
(3)- Saül, une destination naturaliste. Chaine vidéo du Parc Amazonien de Guyane (http://parcamazonien.
wmaker.tv/Sa%C3%BCl-une-destination-naturaliste_v61.html)
(4)- www.blada.com/data/File/2012pdf/saulhabitants19122012.pdf
(5)- http://www.blada.com/data/File/2012pdf/parcaudrire20012009.pdf
Copie à :
- Madame Delphine Batho, Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie
- Monsieur Hermann Charlotte, Maire de Saüll et Président du conseil d’administration du Parc
Amazonien de Guyane
- Monsieur Jean Paul Goudot, Président de l’association Saülienne sau?lienne de Défense des Consommateurs et pour le Développement Economique de Saül.
Situer Saül, "coeur de la Guyane"
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Relayé par benjamin borghésio-ruff
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